28 septembre 2021
Filtrage des alarmes en fonction des données: la tendance informatique de l’avenir dans les soins de santé
Filtrage des alarmes en fonction des données: la tendance informatique de l’avenir dans les soins de santé

Une pléthore d’alarmes non pertinentes dans le domaine des soins de santé peut entraîner une lassitude à l’égard des alarmes, ce qui expose le personnel soignant au risque de manquer des alarmes cliniquement pertinentes (1-3). C’est pourquoi il existe déjà aujourd’hui différents moyens de filtrer les alarmes. Cependant, le monde n’est pas immobile : l’avenir est fait de formes encore plus avancées de filtrage d’alarmes basé sur les données. Mais quelles sont les idées, les recherches et les algorithmes qui existent déjà? Nous présentons quatre tendances, des alarmes simultanées à la validation intégrée des alarmes, en passant par l’atténuation des alarmes et les alarmes prédictives : dans ce blog, nous combinons certaines visions scientifiques avec des considérations pratiques pour le filtrage d’alarmes piloté par les données.


Les dossiers patients informatisés (DPI) recueillent une grande quantité d’informations sur les soins de santé (telles que les paramètres vitaux, les valeurs de laboratoire et les alarmes médicales provenant de divers dispositifs médicaux et d’observations cliniques). Les algorithmes modernes parviennent à traiter ces grands ensembles de données en temps réel. Cela permet de produire des rapports supplémentaires à caractère préventif. Ceux-ci améliorent le pronostic, le développement de nouveaux outils de diagnostic, le traitement personnalisé des patients et la réduction efficace des alarmes (4). En outre, le nombre de modèles d’apprentissage automatique axés sur les données pour analyser les données collectées en routine dans les unités de soins intensifs est en augmentation (5,6). Certains de ces modèles visent à réduire les fausses alarmes d’arythmie (7).

Le filtrage des alarmes par les données est généralement plus efficace que la solution la plus sophistiquée fondée sur des hypothèses. Mais qu’en est-il de ce filtrage des alarmes piloté par les données? Nous nous concentrons sur quatre domaines.

1. Le filtrage des alarmes basé sur les données aide à traiter les informations simultanées

1.1 Combinaisons d’alarmes simultanées et séquentielles

Plusieurs dispositifs médicaux émettent plusieurs alarmes dans un court laps de temps pour le même lit (figure 1). C’est particulièrement le cas dans un service de soins intensifs. Plusieurs articles préconisent donc une approche systémique qui réduit le nombre d’alarmes en intégrant, en hiérarchisant et en optimisant tous les signaux (3, 8, 9). Cette approche augmente la maniabilité par rapport à la situation standard, dans laquelle chaque dispositif médical transmet des alarmes séparément.

Un système de distribution d’alarmes intégré peut optimiser les informations sur les alarmes simultanées:

  • Le personnel soignant ne reçoit qu’un déclencheur auditif concernant les conditions d’alarme les plus prioritaires dans le même lit.
  • Le personnel soignant reçoit une visualisation intégrée avec les informations de toutes les alarmes simultanées dans une vue schématique humaine (8).

Figure 1: Exemple de combinaisons d’alarmes similaires et consécutives de différents dispositifs médicaux sur le même lit.

Grâce au filtrage des alarmes basé sur les données, vous pouvez anticiper les hypothèses selon lesquelles certaines combinaisons d’alarmes se succèdent souvent rapidement chez un même patient (10, 11). En même temps, vous pouvez tenir compte de la pertinence des mises à jour des alarmes si la valeur du paramètre correspondant change. Idéalement, le système présente au personnel soignant des mises à jour d’informations mineures (la SpO2 a légèrement diminué) avec des stimuli auditifs et visuels limités. En revanche, une mise à jour d’informations essentielles (la SpO2 est devenue beaucoup plus basse, vers la désaturation) avec des stimuli appropriés exige l’attention de la personne soignante.

Les statistiques prouvent l’utilité du filtrage d’alarme piloté par les données

Il est utile de faire l’inventaire, basé sur les données, des combinaisons les plus fréquentes. Le tableau 1 montre les pourcentages de conditions d’alarme (presque) simultanées survenant chez le même patient d’une unité de soins intensifs dans un service équipé à la fois de moniteurs, de pompes à perfusion et de ventilateurs:

  • La plupart des combinaisons proviennent du même appareil et de la même condition d’alarme. Les conditions d’alarme impliquant plusieurs dispositifs médicaux en même temps sont moins fréquentes.
  • En fonction de la priorité, vous pouvez que la réduction réfléchie des alarmes filtre ou retarde de nombreuses conditions de priorité faible ou moyenne. Parmi les alarmes de priorité élevée qui se produisent dans les 120 secondes, seules 9,6% proviennent de plusieurs dispositifs médicaux.

Tableau 1: nombre de fois où au moins deux conditions d’alarme se produisent au même lit dans un intervalle donné, en pourcentage du nombre total de condition d’alarme (1A). En dessous, vous pouvez voir combien de fois les combinaisons d’alarmes qui se produisent dans les 120 secondes se produisent par priorité, en pourcentage de toutes les combinaisons d’alarmes (1B). La dernière série de pourcentages concerne le nombre de combinaisons de deux conditions d’alarme (toutes deux de priorité élevée) dans un délai de 120 secondes dans un dispositif médical (1C).

Le filtrage des alarmes basé sur les données nuance les hypothèses

Peut-être êtes-vous particulièrement intéressé par les combinaisons de conditions avec une priorité élevée provenant de deux dispositifs médicaux différents? Dans l’unité de soins intensifs en question, il s’agit de la combinaison d’une pression respiratoire élevée (ventilateur) et d’une désaturation (moniteur). Mais… cela ne représente que 0,007% de toutes les conditions d’alarme de ce service.

Tableau 2: combinaisons les plus courantes de conditions d’alarme multi-appareils A+B (et dans l’ordre inverse) avec priorité hautre dans les 120 secondes.

La combinaison d’alarmes de priorité moyenne avec des alarmes de priorité élevée ou moyenne se produit dans 29% des cas. Par conséquent, une stratégie basée sur la rare combinaison haute-haute est moins rentable qu’un filtrage des alarmes basé sur des données qui prend en compte de multiples combinaisons. Bien entendu, les facteurs environnementaux techniques et médicaux (tels que le service, l’équipement, les prestataires de soins de santé et les patients) jouent également un rôle crucial dans cette considération.

1.2 Alarmes intelligentes multiparamétriques

Les dispositifs médicaux modernes génèrent des alarmes en cas de dépassement d’un seuil léger (priorité faible), d’une seuil modéré (priorité moyenne) ou d’un seuil grave (priorité élevée), ainsi qu’en fonction de l’analyse des signaux, comme les arythmies. Les fabricants fixent souvent ces seuils de manière trop sensible. Ils espèrent ainsi éviter de manquer des alarmes critiques. Mais le nombre d’alarmes faussement positives augmente en conséquence (12). Il est donc utile de combiner les alarmes et/ou les données provenant de différentes sources, en utilisant des algorithmes intelligents pour réduire le nombre d’alarmes (non pertinentes) (1, 13-15). Des tests pratiques avec l’apport supplémentaire des prestataires de soins de santé prouvent que ces algorithmes n’ont pas d’impact négatif sur la sécurité des patients (16, 17).

Après une validation minutieuse, l’intelligence artificielle peut favoriser la réduction des alarmes (9). Divers modèles d’apprentissage automatique basés sur les paramètres vitaux et/ou les données d’alarme réduisent le nombre d’alarmes (non pertinentes) dans un service de soins intensifs (6). La compilation des règles cliniques dans un système intégré réduit le risque d’alarmes faussement négatives et d’alarmes combinées faussement positives (8). Dans le filtrage intelligent des alarmes basé sur les données, les données provenant des pompes à perfusion, des valeurs de laboratoire ou des diagnostics jouent un rôle important.

1.3 Alarmes successives

Pour des raisons de sécurité, vous ne pouvez retarder que quelques alarmes jusqu’à l’alarme suivante. Mais vous pouvez utiliser l’approche dépendante de la fréquence décrite sur ce blog pour, après répétition, considérer une alarme précédemment filtrée comme toujours « pertinente » et la transmettre (figure 2).

Figure 2: exemple de répétition des alarmes « SpO2 basse » à intervalles rapprochés sur deux lits différents (A) lit 1 et (B) lit 2.

2. Validation intégrée des alarmes

Dans les soins (intensifs), les défaillances des électrodes dues aux soins quotidiens et aux mouvements du patient peuvent introduire des artefacts dans le signal ECG. Ces artefacts génèrent à leur tour de fausses alarmes (arythmies). L’harmonisation de l’interprétation des différents signaux et paramètres, tels que le monitoring cardiaque (ECG), la mesure de la saturation (SpO2) et de la pression artérielle), réduit le nombre de fausses alarmes.

La combinaison des informations de l’ECG et de la SpO2 a réduit le nombre de fausses alarmes d’arythmie (18):

  • Les experts ont analysé les paramètres ECG et SpO2 séparément pour déterminer les propriétés indépendantes (intervalle QT, fréquence cardiaque, alarmes d’arythmie, fréquencce du pouls, indice de perfusion de SpO2).
  • Lors d’une nouvelle alarme d’arythmie, le système a combiné les différents paramètres pour déterminer si cette alarme était fausse ou non.

Exemple de filtrage des alarmes en fonction des données

L’ECG ne mesure aucun signal? L’appareil génère alors une alarme d’asystolie. Mais si les paramètres de SpO2 correspondants indiquent toujours un battement de coeur après quelques secondes, le filtrage automatique des alarmes considèrent l’alarme asystolie comme « fausse ». Cette combinaison de paramètres a permis de réduire de 60% le nombre de fausses alarmes potentiellement mortelles (telles que l’asystolie, la fibrillation ventriculaire ou la tachycardie ventriculaire) (18). D’autres études, utilisant une combinaison multiparamétrique similaire, ont montré une sensibilité de 78 à 100% et une spécificité de 50 à 96%, en fonction du type d’alarme d’arythmie menaçant le pronostic vital (19, 20).

3. Mise en sourdine des alarmes

Un autre solution contre la fatigue d’alarme consiste à mettre en sourdine des alarmes (spécifiques): pendant un certain temps, les soignants ne reçoivent pas d’alarmes. Par exemple, pendant :

  • les soins prodigués au patient
  • les actions visant à connecter un patient à un respirateur (15)
  • une conversation familiale
  • une absence de courte durée

Pour désactiver en toute sécurité les alarmes du moniteur de patient, les prestataires de soins de santé doivent disposer des compétences, des connaissances et de l’esprit critique nécessaires dans le cadre des spécificités cliniques (21).

La mise en sourdine des alarmes dans la pratique

Figure 3 : Pourcentage d’alarmes désactivées par jour dans une unité de soins intensifs pendant trois semaines consécutives
  • Pendant trois semaines consécutives, nous avons analysé le nombre d’alarmes mises en sourdine par les soignants dans un service de soins intensifs. Les pourcentages quotidiens allaient de 0,8% à 9,4%, soit une moyenne de 4% (figure 3).
  • Plusieurs dispositifs médicaux permettent de désactiver le son de l’alarme. Avec ces « alarmes silencieuses », vous voyez les alarmes sur l’écran. En même temps, les alarmes restent visibles et audibles sur une station centrale et/ou, via la distribution d’alarmes, sur le smartphone du soignant.
  • Grâce à la détection de présence, le système sait quand un soignant se trouve à côté du patient. Dans ce cas, il n’est pas nécesaire de transmettre les alarmes au smartphone du soignant.

4. Alarmes prédictives

Les scores d’alerte précoce (SAP = EWS: Early Warning Score) parviennent de mieux en mieux à extraire des alertes prédictives de l’énorme quantité d’informations recueillies sur les soins de santé. Ils indiquent l’écart par rapport à la valeur normale des paramètres vitaux, liés à différents organes. En outre, ils aident à reconnaître les signes précoces de dégradation clinique et à mettre en place des soins plus intensifs. Les scores peuvent donc prédire de manière fiable l’arrêt cardiaque ou le décès dans les 48 heures (22).

Figure 3: pourcentage d’alarmes muettes par jour dans une unité de soins intensifs pendant trois semaines consécutives.

Les EWS les plus couramment cités sont:

  • Le MEWS qui utilise quatre paramètres vitaux et un score du niveau de conscience du patient (23).
  • Le ViEWS qui utilise la saturation et l’apport d’oxygène comme deux paramètres supplémentaires (24).
  • Le NEWS/NEWS2 que le National Institute for Health and Clinical Excellence recommande comme norme nationale au Royaume-Uni (25).
  • L’indice Rothman: cette variation récente est un indice continu qui permet de suivre l’état clinique d’un patient sur la base de 26 variables (paramètres vitaux, résultats de laboratoire, arythmies cardiaques et évaluations infirmières). Le score est basé sur les fonctions de risque des variables, l’augmentation de la mortalité après la sortie de l’hôpital sur un an, associées à chaque valeur (26).

L’EWS et l’indice de Rothman sont des scores généraux, validés pour la prédiction et la détection de l’admission en USI, du décès ou des complications (27-30). Les ressources en soins intensifs étant limitées, il est essentiel que les patients en sortent à temps. Mais une sortie trop précoce entraîne des risques pour la sécurité et des réadmissions. L’analyse automatisée par des modèles d’apprentissage automatique supervisés des caractéristiques du patients, des observations cliniques, des paramètres physiologiques (vitaux), des résultats de laboratoire et des données de traitement permet d’éviter une sortie prématurée de l’unité de soins intensifs (31).

L’ensemble des données de 14105 admissions en USI aux Pays-Bas constitue la base d’un modèle qui prédit la probabilité de réadmission et de décès après la sortie de l’USI, avec une réduction du risque relatif de 17%. Le nombre d’admission en USI augmentant rapidement dans le monde entier, cette réduction modeste pourrait avoir un impact significatif sur les patients et la société (31).

Filtrage des alarmes basé sur les données dans le secteur des soins de santé: nos conclusions

  • En traitant de manière optimale les conditions d’alarmes (presque) simultanées, vous pouvez réduire le nombre d’alarmes. Pour ce faire, basez-vous sur une analyse des combinaisons d’alarmes fondée sur des hypothèses et des données.
  • De plus, vous pouvez désactiver les alarmes dans des situations spécifiques.
  • Dans l’étape suivante, vous pouvez combiner des alarmes provenant de divers appareils avec des informations provenant de diverses sources, y compris des médicaments provenant des pompes à perfusion, des diagnostics et des valeurs de laboratoire. Ce faisant, vous déterminez de manière proactive et objective tous les paramètres et toutes les données d’alarme afin de reconnaître les alarmes cliniquement pertinentes.
  • Combinez ces données avec celles d’experts cliniques pour développer des modèles sophistiqués, fondés sur des données, éventuellement basés sur l’apprentissage automatique.
  • Vous pouvez applique, tester et valider les résultats générés dans la gestion des alarmes de votre environnement clinique.

Filtrage des alarmes basé sur les données de référence.

Partage:

Vous êtes curieux de connaître la meilleure stratégie de filtrage des alarmes basée sur les données dans votre hôpital?